Nicolas Hulot, alimente la soupe capitaliste

Publié le par Enoch

TUER TUE ! - Michel Tarrier. octobre 2009.

Avec en bonus le syndrome d’Ushuaïa

Voici donc que le capitalisme exterminateur… tue ! Quel scoop, on n’y avait pas pensé !

Comment en serait-il autrement d’un système qui s’auto-dévore, se définissant lui-même par l’appropriation de tout et une recherche forcenée du profit ? Le succès du capitalisme n’est pas un secret, une citation d’Henri Michaux le résume bien : « L'homme Blanc possède une qualité qui lui a fait faire du chemin : l'irrespect ».

L’énorme révélation vient du plus marchand de tous amoureux de la nature, « qui n’était pas écologiste mais l’est devenu » par la force de quelques maîtres d’un monde qu’il condamne. C’est l’hôpital qui se moque de la charité.

En nous montrant l’envers du décor capitaliste, en nous enseignant que notre monde ne sera bientôt que fosse commune, le syndrome du Titanic, écrit ou imagé, ne fait qu’enfoncer des portes béantes. Vouloir le moraliser, l’écologiser, c’est faire un vœu pieux ou chercher à le cautionner. Souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps, d’autres curés nous avaient évangélisés, selon Marx ou Jésus. Et alors ?

Hulot n’est pas sado-maso. Depuis toujours larbin vertueux des décideurs, en focalisant cette fois sur les zones d’ombres du système pourri, Hulot devient porteur de valises d’un libéralisme en loques dorées. Sa mission subliminale est alors incantatoire : populariser une mauvaise conscience ipso facto expiable par une « mauvaise foi » dans le fallacieux développement durable. Le voilà bien le lubrifiant pour fin d’ère capitaliste, dont le mea culpa est le slogan. C’est toute la pirouette de ceux qui inventent une grippe pour s’enrichir en la soignant. Endolori par la tautologie ambiante, notre consentement devenu implicite n’y verrait que du feu.

Ainsi, tout en réclamant davantage de confort et de pouvoir d’achat, nous trouverions anxiogène l’idée de finitude du monde et, pour y remédier, nous accepterions de mieux trier « leurs » déchets et de payer spontanément toutes sortes de taxes vertes pour les pollutions que « leur » doctrine consumériste nous impose. Encore deux ou trois films du genre, et les boucs émissaires pour les pots cassés seront tout trouvés. Pendant ce temps, les traders sont nos héros. C’est dans la ligne de notre schizophrénie ordinaire.

En devenant pessimiste, Nicolas Hulot ne crache pas dans la soupe, il l’alimente.

Pourtant, je me suis toujours efforcé d’accorder un maximum de crédit à un homme dont les qualités de cinéaste et de pédagogue sont hors pair, même s’il fut la plume des discours populistes pour des Chirac si peu environnementalistes ou confia sa bible écologique à des Sarkozy dont l’idéologie est partagée par Alain Minc, économiste nain parce que ploutocrate. Tout comme Nicolas Hulot, j’ai une tendre admiration pour les peuples premiers, la biodiversité m’enchante, la misère du monde me scandalise et l’obscène fortune me révulse. Mais je me méfie des bons sentiments vendus à la criée et qui ignorent le débat scientifique. Comme j’exècre les Allègre scientifiques inaptes aux bons sentiments.


Le pataquès du film


Le film ne serait, dit-on, qu’un succès d’estime. Et encore… On parlerait d’un effet de mauvais ressac résultant du précédent succès du film Home de son frère-ennemi en écologisme photoshopé né dans le giron du Paris-Dakar?. Hulot se sent incompris, ses associés sont déçus. Parler de presque bide, de déconvenue est un aveu cuisant, alors que l’animateur a « modestement » investi tous les plateaux, tous les micros et tous les journaux, promo musclée imposée par ses sponsors, dictateurs des médias. Dans la médiasphère bien-pensante, personne n’a pu échapper à la dégoulinade éco-moraliste.


Attention à l’opportunisme démesuré !


Trop c’est trop. Un moment, les gens lâchent.


Certains sponsors comme EDF ou L’Oréal? sont loin d’être écologiquement corrects. TF1, puissant partenaire de Nicolas Hulot, a cédé la licence d'exploitation de l’éco-marque Ushuaïa à des dizaines de sociétés (L'Oréal pour les cosmétiques, Atol pour la lunetterie, Rhonetex pour les vêtements, Lexibook pour l'électronique, Quo Vadis pour la papeterie...) et cautionné ainsi la commercialisation d'une soixantaine de produits dérivés dont le chiffre annuel est de l’ordre de 100 millions d’euros. Shampoings, gels douche, déodorants, crèmes dépilatoires, lunettes et accessoires : une vraie dérive de produits dérivés. On savait que l’écologisme est un enfant-monstre né d’une l’écologie vidée de sa science et qui a mal tourné, mais à ce point…


Un shampouineur soudainement contesté


Quand L’Oréal? se prend pour Gandhi, ça coince.


Le nouveau chemin homéotélique (!) pris par l’éco-bateleur du petit écran est une route minée, un trip hasardeux parce qu’on y pousse un peu trop loin le bouchon. Le radicalisme de la deep écologie n’est pas grand public, le post-capitalisme n’a pas l’heur de plaire, l’heuristique de la peur est l’affaire des écosophes, ce n’est pas porteur, ça reste confidentiel, Borloo et Atol-les opticiens risquent d’en être déroutés.


L’homme moderne est indécrottable


« Pourquoi ne veut-on pas croire ce que l’on sait ? » questionne devant l’éternel le philosophe Yann Arthus-Bertrand?.


C’est ainsi que l’insupportable empreinte de la surpopulation est réfutée par l’écologisme héliportée et que les tribuns n’y voient même pas une contre-indication à la potion magique de leur développement supportable !


La soudaine radicalité d’un Nicolas Hulot repenti et qui monte d’un cran dans le discours a surpris le spectateur qui ne veut surtout pas appliquer ce qu’il sait parce que ça le dérange. Ce qui branchait chez Hulot, c’était l’écologie par procuration, la découverte par délégation, vautré sur un divan en goinfrant des chips, sans aller au charbon. Il faut comprendre, on nous a tant accoutumés aux facilités de l'amour sans le faire et de la gastronomie sans y goûter, par violons et images interposés, que plus personne ne veut bouger le petit doigt.


Et basta !


Il n’y a rien à sauver. Sabordons le capitalisme ! Coulons le Titanic ! Changeons de vie, changeons de barque !


Limitons notre population, refaisons de la place aux autres espèces, réapprenons à parler aux oiseaux. Nous n’avons nul besoin de banques numériques, de bagnoles climatisées, d’OGM et de gels douche, même et surtout pas aux parfums des îles. Laissez-les tranquilles, les îles. Soyons ridicules et romantiques, nions en bloc la modernité ! Nous saurons vivre sans détergent et sans pétrole. L’homme moderne n’a rien inventé d’autre que la douleur d’une vie à perdre pour la gagner. Je suis fin prêt, la fourche à la main.



Anthologie cocasse


Retour sur le magazine de l’extrême duplicité : http://www.dailymotion.com/video/x2sds7_tf1-240689-pubs-teaser-debut-ushuai_news


Ushuaïa, parce que l’humain pue : http://www.dailymotion.com/video/x18zp6_pub-ushuaia_ads


L’écologisme-marchand, pour voir la connerie de plus près : http://www.dailymotion.com/video/x776s2_adriana-karembeu-pub-atol-les-optic_lifestyle


La cerise sur le gâteau du greenwashing : http://www.vimeo.com/4181505


Protéger la planète peut rapporter gros : http://www.vertetnet.fr/mod/vu-sur-la-planete/protection-environnement-fondation-ushuaia-nicolas-hulot,1751?page=1


Et puis ce vieux syndrome de l’avion de chasse : http://www.youtube.com/watch?v=FleU0Tpvy_E


Etc., ça fait quand même beaucoup !

Je ne fais pas le malin, je ne suis pas un saint, mais je ne suis pas dupe. Si L’Oréal? ou Areva me donnait du fric pour sauver des prairies à papillons dont tout le monde se tape, peut-être bien que je l’empocherais.

De pareilles diatribes peuvent être lancées à l’encontre d’Al Gore, de YAB, des ONG vertes et de tous les initiateurs de notre idéologie nouvelle aux multiples mascarades, notamment de ceux occupant les postes étatiques (où c’est carrément burlesque), et bien entendu de moi-même qui, heureusement, ne suis pas grand-chose.

L’écologie de marché : faites vos jeux ! : http://www.dailymotion.com/video/xab1xa_sm-pauvre-pomme_webcam


Michel Tarrier

Naturaliste, écosophe

L'obligation de subir nous donne le droit de savoir. (Jean Rostand).

Publié dans Ecologie

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