Un chômeur sur deux en Europe peut remercier le libre-échange et tout le monde peut comprendre le risque du mini-traité.

Publié le par Enoch

Un chômeur européen sur deux doit remercier le libre-échange

Jacques Sapir, Marianne2.fr, lundi 29 juin

C'est l'estimation de Jacques Sapir. Selon l'économiste, l'impact sur l'emploi du libre-échange inégal représenterait au moins la moitié des 8,3% de chômage constatés avant la crise. Sans compter les 2 millions de nouveaux chômeurs constatés depuis le début de l'année, victimes directes d'une crise du libre-échangisme.

L'impact de la crise actuelle vient s'ajouter à la pression des délocalisations qui pèse sur l'industrie française depuis maintenant à peu près une dizaine d'années. L'évaluation précise du coût en emploi de cette pression, issue du libre-échange dans les conditions présentes, soulève plusieurs difficultés.

En effet, tout d'abord il faut savoir qu'un emploi dans l'industrie a un impact direct sur des emplois dans les services, ce qui est toujours vérifié lors de plans sociaux industriels importants. Mesurer l'impact des délocalisations uniquement sur les emplois industriels sous estime considérablement l'impact total sur l'emploi.

Ensuite, il faut prendre en compte le fait que dans le processus de délocalisation on doit compter trois effets distincts mais qui viennent se cumuler.

- Les délocalisations directes

Il s'agit ici d'emplois déjà existants dans un pays et transférés dans un autre pays (en général par fermeture de l'usine dans le pays d'origine). On considère de manière générale que ces délocalisations ont affecté environ1,5% des emplois industriels en France soit à peu près 0,5% de la population active.

- Les délocalisations indirectes

Il s'agit ici de la création délibérée d'emplois à l'étranger pour servir non pas le marché local mais pour la réexportation vers le pays d'origine. On est en présence de ce phénomène quand une grande entreprise conçoit un nouveau produit et en réalise l'industrialisation d'emblée dans un pays à faibles coûts salariaux et ce à but de ré-export. Cette pratique est devenue systématique dans l'industrie automobile depuis une dizaine d'année.

Il y a là un « manque à employer » plus qu'une destruction directe d'emploi, et on peut le chiffrer dans le cas de la France entre 250 000 et 400 000 emplois, suivant les hypothèses de productivité, soit entre 1% et 1,6% de la population active.

- L'effet dépressif sur le marché intérieur

La menace des délocalisations et le chantage auquel se livrent les entreprises ont conduit à maintenir les salaires dans l'industrie à un niveau très faible et à exercer une pression croissante sur les salariés. La faiblesse des revenus tend à déprimer la consommation et donc la demande intérieure.

La pression sur les salariés, pour que les gains de productivité compensent les gains possibles en bas salaires, est une des causes principales du stress au travail et des maladies qui en sont induites. Faute d'une enquête épidémiologique systématique en France, le coût de ces maladies n'a pas été globalement estimé. Pour des pays comme la Suisse ou la Suède, où des enquêtes systématiques ont été réalisées, on arrive à 3% du PIB. En France, ceci signifierait près de 60 milliards d'Euros, qu'il faut comparer aux 15 milliards du déficit de la sécurité Sociale.

Il est clair que si les gains salariaux avaient pu suivre ceux de la productivité, et si l'on avait pu économiser ne serait-ce que 1% du PIB en cotisations tant salariées que patronales, on aurait eu un impact très fort de ce surcroît de pouvoir d'achat sur la croissance. On peut alors estimer à 1% de la population active au minimum le gain en emploi (ou la réduction du chômage) que l'on aurait pu obtenir. Cependant, ce gain est global et ne concerne pas uniquement l'emploi industriel.

Lire la suite de l'analyse de Jacques Sapir sur Marianne2.fr

Publié dans politique

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