Le plan de relance vu par Corinne Lepage
09.02.2009
Quand on parle de bénéficiaires, de quelle catégorie s'agit-il et quelles sont les orientations sous-tendues par les choix effectués ?
Par bénéficiaire, on peut entendre telle ou telle catégorie sociale. La justice sociale et la gravité la crise en terme de chômage peut en effet conduire à utiliser le plan de relance pour améliorer le pouvoir d'achat de ceux qui sont les plus défavorisés.
Par bénéficiaire , on peut entendre certains secteurs d'activité économiques plutôt que d'autres. Certains secteurs économiques sont des secteurs d'avenir essentiels pour mettre en place une nouvelle économie. D'autres sont en très grande perte de vitesse mais occupent beaucoup d'emplois comme l'industrie automobile . D'autres enfin sont des champions nationaux qui y sont gênés dans leur compétition mondiale. Tous les secteurs ne peuvent être traités à égalité et le choix entre eux conditionne la sortie de crise.
Par bénéficiaires, on peut entendre, les grandes entreprises plutôt que les petites et moyennes entreprises au motif qu'elles sont des champions français et que chacune d'entre elles pèse lourd en termes d'emploi et de chiffre d'affaires.
Ces questions peuvent et doivent être posées car elles permettent de définir la finalité du plan de relance et de décrypter, au-delà des effets d'annonce, la réalité des choix gouvernementaux.
Si l'on s'intéresse aux différentes catégories de Français, le sujet peut conduire à la question de la relance par l'investissement ou par la consommation. La relance par la consommation est en effet destinée à aider ceux qui en ont le plus besoin. C'est une nécessité et tout plan de relance comporte nécessairement une part d'investissement et une part de consommation. Du reste, le Président de République, après avoir dans une première phase de refuser toute relance par la consommation, a admis, dans son allocution de jeudi dernier, que le deuxième plan de relance-qui va évidemment venir-comprendrait bien des mesures ciblées vers les revenus modestes. Il faut aller plus loin. Mais, la solidarité nationale et une équité minimale doivent être une des composantes des bases du plan de relance. D'où la nécessité de mesures de plafonnement de rémunération pour les banques aidées à l'instar de la décision prise par le président Obama comme celle d'investissement dans le service public, par exemple, dans le domaine de la santé, service public qui permet à chacun, en particulier en période de difficultés d'être pris en charge.
La seconde catégorie de bénéficiaires pose la question de l'utilisation du plan de relance pour préparer le futur ou essayer de faire le gros dos en préservant ce qui veut l'être. Or, il semble que malgré la faiblesse du plan de relance en matière d'investissements nouveaux ( de moins de 5 milliards d'euros) notre endettement atteigne des abîmes et ne prépare pas le futur.
Le futur, c'est la société post pétrolière. C'est à cet objectif qu'aurait dû s'attacher le plan de relance, en visant l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et la recherche-développement dans ces secteurs et ceux de l'économie de la communication en rapport . Il n'en est rien puisque les nouveaux investissements concernent essentiellement les routes et le saupoudrage de crédits répond à l'utilisation des projets déjà prêts quels qu'ils soient et non à une vision globale. Quand aux milliards de crédits promis à l'industrie automobile, la seule condition parait être une non- délocalisation (ce qui, soit dit en passant, rend très délicate notre critique du protectionnisme américain) et en aucune manière l'utilisation des crédits à la seule fin de produire très rapidement une voiture propre.
La troisième catégorie concerne la répartition des projets entre grandes entreprises et PME. Dans la mesure où l'essentiel de l'emploi en France est concentré dans les petites et moyennes entreprises et où les secteurs innovants se trouvent précisément dans les start up on aurait pu penser, que pour une fois, celle-ci seraient favorisées. Nenni.
Comme à l'accoutumée, ce sont les grandes entreprises qui se taillent la part du lion, en particulier public le BTP pour les grosses infrastructures, alors même que la rénovation thermique des bâtiments est infiniment plus productive en terme d'emplois et d'avantages de toute nature pour nos concitoyens.
Ainsi, notre plan de relance est d'une extrême modestie par rapport au plan américain qui représente près de 800 milliards de dollars , soit plus de 5 % du PIB américain ou à rapport au plan de relance allemand 50mds d'euros plus 100 mds de garantie aux entreprisses en mal de financement qui viennent s' ajouter aux 31 milliards déjà déboursés en octobre. Mais de surcroît, la réalité dans l'utilisation des fonds démontre que n'ont été privilégiés ni l'équité, ni l'emploi ni, surtout, l'avenir.